26 – CHEZ L’ACTEUR BONARDIN
Fandor longeait le collège Rollin.
Soudain il s’entendit appeler, tourna la tête : un fiacre s’arrêtait le long du trottoir qu’il suivait, quelqu’un se dégagea non sans peine de dessous la capote baissée. C’était Joséphine.
— Ah ! monsieur Fandor, monsieur Fandor...
— Qu’y a-t-il ?
Joséphine regarda autour d’elle, et prenant familièrement la main de Fandor, l’attira dans le square désert.
— Ah ! ça n’est pas ordinaire ! répétait-elle.
La jeune femme vêtue d’un costume clair, à longue jaquette droite, coiffée d’un immense chapeau à la mode, n’était pas Joséphine la pierreuse, mais la jolie femme qui avait séduit l’Américain Dixon.
— Je vais vous épater, commença-t-elle...
— C’est fait ; rien que de vous voir...
— Vous pensiez que j’étais arrêtée, pas vrai ?
— Dame ! j’avoue que je m’y attendais un peu...
— Et moi, donc !... Je vous ai dit que j’allais vous épater ; tenez-vous bien... votre ami Juve est bouclé.
— Ah ! fit Fandor.
— Il est arrêté, que je vous dis. Rapport à l’affaire du cinéma. Fuselier était furieux contre lui, ah !
— Voyons, mademoiselle Joséphine, qu’est-ce que vous chantez là ! c’est une histoire à dormir debout.
— Je vous dis qu’ils se sont disputés comme des chiffonniers. Enfin, Fuselier a sonné. Alors, il est venu deux gardes municipaux, il leur a dit « Emballez-moi cet homme-là ».
« ... Et votre ami le policier, tout inspecteur de la Sûreté qu’il est, s’est laissé faire, car il ne pouvait pas résister...
Lorsqu’elle eut fini, Fandor, de son ton calme la questionna :
— Et vous, Joséphine, comment vous en êtes-vous tirée ?
— Oh ! répliqua la jeune femme en s’asseyant à côté du journaliste et souriant d’un air satisfait, moi ça n’a pas été très difficile. Faut vous dire que j’ai été introduite après mon arrestation dans le cabinet de Fuselier, en même temps que votre ami Juve, car son affaire à lui ça s’est passé après que j’ai été lâchée.
— Juve a parlé pour vous ?
— Non, monsieur, reprit Joséphine, Juve n’a rien dit contre moi, mais Fuselier a été très gentil. « C’est encore vous ? » qu’il m’a dit en me voyant. « Ma foi oui, que je lui ai répondu, monsieur le juge d’instruction, j’peux pas dire le contraire, mais pour ce qui est du plaisir que j’éprouve à vous rencontrer... » Alors le curieux s’est mis à rigoler, il n’a pas recommencé son boniment de la fois précédente sur mon âge, ma naissance, la couleur de mes cheveux et le caractère de mon concierge, seulement il s’est amusé à me cuisiner ferme, au sujet de l’affaire du cinéma ; moi j’ai dit ce que je savais, c’que je vous ai dit, la vérité, quoi !
Fandor cligna de l’œil.
— Parfaitement, insista la jeune femme en tapant du pied, je vous avais dit la vérité, Loupart m’avait bourré le crâne avec son histoire de guet-apens. J’ai compris maintenant que c’était un truc inventé par lui pour vous embarquer, vous autres, dans une mauvaise affaire. Mais aussi vrai que je m’appelle Joséphine, j’ai cru que l’invention était la vraie vérité... d’abord le curieux s’est rendu compte, il a bien compris.
Joséphine suivant son idée, insistait :
— Le Loupart est terrible savez-vous, c’est un homme qui colle des blagues avec un tel accent de sincérité qu’on est forcé de marcher, voyez plutôt j’ai marché dans l’affaire du train, dans celle du cinéma...
— ... Comme vous avez marché dans l’affaire Dixon...
Joséphine rougit et très bas :
— Ah ! l’affaire Dixon, ça par exemple... eh bien... non, je ne puis rien vous dire encore, mais je vous jure... D’ailleurs, nous sommes très copains, Dixon et moi, figurez-vous que j’ai été le voir hier après-midi, chez lui, pendant que...
— Pendant... pensait Fandor, que nous étions en train de démolir ces pauvres cabotins.
— Il m’a très bien reçue, ce garçon, il est toqué de moi et je crois bien que je commence moi aussi... bref, il m’a encore proposé de vivre avec lui, de m’entretenir luxueusement... Ah ! si j’osais... soupira la pierreuse...
— Vous feriez bien...
— Quitter le Loupart ? maintenant que Juve est en prison, le Loupart sera le roi de Paris !...
— Croyez-vous qu’il va attacher beaucoup d’importance à l’arrestation de Juve ? Il va s’imaginer que c’est un truc ?
— Un truc ? interrogea Joséphine, en ouvrant de grands yeux étonnés, comment voulez-vous ? puisque je vous ai dit que j’ai vu de mes yeux, vu les deux cipaux qui emmenaient Juve, les menottes aux mains...
... La clameur grandissante de camelots hurlant les feuilles du soir s’approcha du square d’Anvers. En manchette, on lisait :
« Coup de théâtre dans l’affaire des bandits de la Chapelle. – Le policier Juve sous les verrous... »
— Quand je vous disais, répéta la jeune femme, c’est imprimé, donc c’est vrai !
— Et dire que j’ai raté ce tuyau pour La Capitale !
Fandor devant la pierreuse affecta un air fort ennuyé, mais au fond de lui-même en bon journaliste, en bon élève du maître policier, il s’applaudissait du silence prudent de son journal.
***
— Et alors, monsieur Fandor, que pensez-vous de cela ?
— Je pense, monsieur Bonardin, que nous n’avons pas à nier l’évidence : partout on annonce l’arrestation de Juve ; c’est donc qu’il est arrêté...
— Vous me dites cela avec un drôle d’air ?...
— Je dis cela, rétorqua le journaliste, de plus en plus énigmatique, avec l’air de quelqu’un qui enregistre un fait sans en tirer de conclusions.
— Monsieur Fandor, reprit Bonardin, après un silence, je suis très au regret de ce qui arrive à M. Juve ; croyez-vous que si j’écrivais au Procureur de la République pour déclarer que je ne porte pas plainte contre lui...
— Laissez faire la justice, M. Bonardin, laissez-la faire ! Il sera toujours temps plus tard !
... Fandor, lorsqu’il avait rencontré Joséphine, place d’Anvers, se rendait rue des Abbesses, au domicile de l’acteur Bonardin, si malheureusement blessé la veille, au cours de la tragique affaire de Nogent. Le journaliste avait jugé correct de venir prendre des nouvelles du blessé dont l’état, par bonheur, n’inspirait aucune inquiétude… Sitôt après avoir quitté la jeune femme il était monté chez Bonardin.
Bonardin avait l’épaule dans le plâtre ; la balle de Juve lui avait cassé la clavicule, blessure sans complication. Quelques jours de repos, l’acteur serait rétabli.
Bonardin occupait au coin de la rue Lepic et de la rue des Abbesses un gentil petit appartement composé de trois pièces, décorées avec goût, meublées avec confort. Bonardin, malgré son jeune âge – vingt-cinq ans à peine – commençait à jouir d’une certaine réputation. Il était sorti avec un second prix du Conservatoire, et plutôt que de végéter dans l’éloignement de l’Odéon, le jeune artiste s’était lancé dans la mêlée, sollicitant des rôles au Boulevard.
— Mon rêve, voyez-vous, expliquait-il à Fandor, c’est d’arriver un jour à la notoriété des Tarride, Gémier, Valgrand, Dumény...
Fandor avait dressé l’oreille. Bonardin venait de prononcer un nom qui devait en effet retenir l’attention du reporter, plus que tout autre, celui de Valgrand.
— Vous connaissiez Valgrand ?
— Si je le connaissais, c’est-à-dire que nous étions intimes ! Tenez, nous avons vécu deux saisons, l’un à côté de l’autre, au Gymnase, à l’Athénée. Enfin, monsieur Fandor, – vous ne vous en souvenez certainement pas – mais moi, Bonardin, je jouais l’amoureux dans la fameuse pièce, La Tache sanglante, pour laquelle Valgrand s’était fait la tête exacte de Gurn, l’assassin de lord Beltham, l’époux d’une grande dame anglaise... Vous avez dû entendre parler de cette affaire-là ?
Si Fandor avait entendu parler de cette affaire-là ! Tellement qu’il se mit à rêver.
Puis Fandor se souvint qu’il n’était pas seul.
Bonardin finissait de parler ; le journaliste se reprit, feignant de chercher dans sa mémoire, il demanda :
— J’ai en effet souvenir d’une certaine aventure assez confuse survenue à l’acteur Valgrand, au moment où il s’était fait la tête de Gurn, ressemblant d’ailleurs à s’y méprendre à cet assassin, lorsqu’il créa La Tache Sanglante, au Grand Tréteau. Vous devriez bien me rafraîchir la mémoire :
Bonardin ne demandait qu’à bavarder : il raconta le drame, tel qu’il l’avait vu.
— ... Vous ne deviez plus jamais revoir Valgrand ?
— Pis que cela, reprit l’artiste encore tout ému par les souvenirs qu’il évoquait, le troisième jour, après la première, Valgrand est revenu parmi nous. Valgrand ! était-ce bien lui ? quel Valgrand ?... Un Valgrand, angoissant au possible ! terrifiant, pitoyable ! Sa vue nous a plongé dans la stupéfaction, sa fréquentation a déterminé le désespoir chez nous... Ah ! monsieur Fandor, vous qui êtes rédacteur, que voilà donc un beau sujet d’article à faire pour quelqu’un qui saurait écrire !
— Mon Dieu ! murmura Fandor en esquissant un sourire forcé, car le journaliste, pour d’autres raisons peut-être, mais en toute sincérité, partageait l’émotion de l’acteur, continuez, vous m’intéressez prodigieusement : qu’était-il donc arrivé à Valgrand ?
— Valgrand était fou, monsieur !... devenu fou !... ou pour mieux dire, il était gâteux, idiot ! Vraisemblablement notre malheureux camarade surmené par le travail, terrassé par la fatigue, avait soudain perdu conscience de lui-même... Valgrand est revenu ce soir-là, après trois jours d’absence, au théâtre. Machinalement, par habitude, il a gagné sa loge, mais non sans l’avoir cherchée dans le couloir, se trompant de porte.
« Valgrand ne reconnaissait plus notre ami Albertix avec lequel cependant il était très lié ; on a d’abord cru à une boutade, à une farce de sa part, lorsqu’il est passé à côté d’Albertix, raide comme un piquet, paraissant l’ignorer ! Mais Valgrand m’a rencontré ensuite et m’a avoué avec des larmes dans la voix et toute l’angoisse de quelqu’un qui se rend compte de son affreux état :
« Je ne sais plus un traître mot de mon rôle, je ne sais plus une ligne, je ne sais plus rien ! » Je l’ai consolé de mon mieux, m’efforçant de plaisanter avec lui, de le persuader qu’il s’agissait d’une amnésie passagère. Valgrand effondré sur le divan de sa loge, hochait la tête en me regardant : « Comment t’appelles-tu ? me dit-il... » Il n’y avait plus de doute, c’était l’amnésie, l’amnésie totale... Quelques instants auparavant, nous avions, les uns et les autres, été surpris par la démarche inquiète, l’attitude hésitante, les gestes étranges de notre pauvre camarade. Désormais on ne pouvait en douter, le grand artiste n’était plus... le cerveau divaguait, nous avions devant nous, j’avais en face de moi, un insensé, un fou !
Pendant qu’on levait le rideau et que la pièce commençait, je demeurais avec Valgrand, m’efforçant d’obtenir de lui quelques renseignements, m’ingéniant à solliciter de cette grande intelligence, désormais endormie, un souvenir, un détail qui pût la rattacher au passé ! Valgrand me dit : « Vois-tu Bonardin, je viens d’être bien malade ; l’autre soir lorsque j’ai quitté le théâtre, je suis rentré mort de fatigue, puis, je suis ressorti dès l’aube... j’ai erré... où cela... je ne sais pas ! Combien de temps !... Je l’ignore ! Il y a longtemps que je suis absent ?» « Trois jours », répondis-je. « Trois jours, fit Valgrand, en passant sa main sur son front, est-ce possible ! » Puis soudain, son visage s’est contracté, ses yeux se sont écarquillés. « Où est Charlot ? » m’a-t-il demandé. Charlot c’était son habilleur ; tout d’un coup, tandis qu’il me posait cette question, je me suis souvenu que ce brave homme n’avait pas, lui non plus, reparu au théâtre depuis la disparition de son maître ! Je n’en ai rien voulu dire à Valgrand pour ne pas le préoccuper et j’ai conseillé à mon vieil ami de m’attendre jusqu’à la fin du spectacle et de m’accepter pour compagnon. Je me proposais de le reconduire chez lui, de ne pas le laisser seul, de faire venir des médecins, d’entreprendre quelque chose, enfin. Valgrand a consenti sans difficulté. À ce moment, j’ai dû le quitter brusquement, le régisseur m’appelait en scène, c’était mon tour de paraître.
Lorsque je suis remonté, Valgrand avait disparu, il avait quitté le théâtre. Nous ne devions plus le revoir !
— Triste aventure, conclut Fandor...
Bonardin poursuivait :
— ... Mais nous devions savoir ce qui était arrivé !
— Vraiment, questionna le journaliste intéressé ?
— L’affaire n’a pas été ébruitée, elle est passée à peu près inaperçue et j’aime à croire que la police, tant par respect pour la mémoire de notre grand artiste que, eu égard à l’insuccès des recherches, a préféré faire le silence sur ces événements ; mais il est survenu ceci : Valgrand venait de disparaître pour la seconde fois, définitivement désormais, lorsque dans une maison abandonnée ou tout comme, rue Messier, près du boulevard Arago, la police a découvert le cadavre d’un homme assassiné ; or, on a identifié le cadavre aisément : c’était celui de Charlot, l’habilleur de Valgrand ! Comment se trouvait-il là ? la maison ne possédait pas de concierge ; le propriétaire, un vieux campagnard, ne savait rien, on a classé l’affaire.
— Eh bien, votre conclusion ? demanda Fandor.
— Ma conclusion, reprit l’artiste, étonné d’une telle question, elle s’impose, c’est la vôtre, celle de tout le monde ! Valgrand avait assassiné son habilleur... pourquoi ?... pour un motif que nous ignorons ! Puis atterré par son crime, il en était devenu fou.
— Ah ! ah ! balbutia Fandor un peu interloqué par cette affirmation à laquelle il ne s’attendait pas !
Le journaliste, en effet, s’il avait suivi attentivement le récit de l’artiste, était fort loin d’en tirer les mêmes déductions. Fandor n’avait jamais songé que l’on pourrait un jour interpréter et justifier de la sorte, non seulement la mort de l’habilleur, mais encore la disparition de l’acteur, et maintenant qu’on venait de lui proposer cette solution, il savait combien elle avait toutes les apparences de la logique et de la vérité.
En effet, ça ne pouvait pas être la vérité, car Gurn, l’assassin de lord Beltham, que Fandor, de plus en plus, croyait être Fantômas, avait sûrement fait guillotiner Valgrand à sa place. Alors ? le Valgrand qui était revenu au Grand Tréteau, trois jours après l’exécution, n’était pas le vrai Valgrand, puisque celui-ci était mort, mais était celui qui avait pris ses lieu et place, Gurn, le criminel, Gurn-Fantômas. En effet, si la disparition de Valgrand avait coïncidé avec l’exécution de Gurn, peut-être aurait-on eu des soupçons !
Gurn-Fantômas se devait donc de montrer Valgrand vivant à quelques témoins pour que ceux-ci puissent affirmer le cas échéant que le vrai Valgrand n’était pas mort à la place de Gurn.
Mais Valgrand était acteur. Gurn-Fantômas ne l’était pas ! pas assez comédien du moins, en dépit de son habileté inouïe, pour oser venir remplacer sur les planches un artiste consommé, un tragédien notoire.
— Et c’est tout ? demanda Fandor.
— Non, dit Bonardin. Valgrand était marié, il avait un enfant.
« Un an environ après ces tristes aventures, j’ai reçu la visite de Mme Valgrand qui, de passage à Paris, était venue pour toucher la pension alimentaire que lui faisait son mari, pour subvenir, tant à ses propres besoins qu’à ceux de leur fils dont elle avait la garde. Mme Valgrand a causé de longues heures avec moi, je lui ai raconté en détail ce que j’ai eu l’honneur de vous dire, et il m’a semblé, pour je ne sais quelles raisons, qu’elle n’ajoutait pas foi à mes paroles.
« Non pas que Mme Valgrand ait mis en doute ma déclaration, mais elle répétait toujours :
« — Ça n’est pas naturel, je connais Valgrand, ce n’était pas dans son caractère !...
Jamais je n’ai pu lui faire préciser sa pensée.
« Quelques semaines après cette première visite, j’ai encore revu Mme Valgrand : ses histoires se compliquaient, il n’y avait pas d’acte de décès de son mari, les hommes d’affaires invoquaient l’« absence » ; elle ne pouvait plus toucher un sou de sa pension et cependant on savait que Valgrand avait laissé une assez grosse fortune, que cette fortune était dans une banque ou chez un notaire, je ne sais plus. Vous n’ignorez pas, monsieur Fandor, que, lorsqu’il s’agit de règlement de comptes, d’histoires d’héritages ou de testaments, on n’en sort jamais...
— C’est exact.
Bonardin poursuivait :
— Il faut croire que la chose avait de l’importance au point de vue de Mme Valgrand, car elle a refusé de gros contrats à l’étranger, s’est installée à Paris, vivant avec les économies qu’elle avait pu réaliser ; la brave femme – car c’est une honnête et excellente femme – poursuivait évidemment un double but : rattraper l’héritage pour son fils, le petit René, qui était en nourrice dans les environs de Paris, et aussi savoir le fin mot sur le sort de son mari.
« La veuve de notre ami se berçait probablement de cet espoir que son mari n’était pas coupable de l’assassinat de l’habilleur, que peut-être même il n’était pas mort, que sa folie guérirait si jamais on venait à le retrouver, puis à le soigner. L’artiste bâtissait un roman... Il y a six ou sept mois, alors que je ne pensais plus du tout à ces événements, je me suis trouvé nez à nez sur le boulevard avec Mme Valgrand. J’ai eu de la peine à la reconnaître. La veuve de notre ami n’était plus vêtue comme la Parisienne, la femme chic, que j’avais toujours connue. Ses cheveux étaient lissés, tirés, ses vêtements simples, modestes, sa mise presque négligée.
« — Bonjour, madame Valgrand, me suis-je écrié en m’avançant vers elle, les deux mains tendues.
Elle m’a arrêté du geste :
« — Chut, a-t-elle murmuré, il n’y a plus de Mme Valgrand, je suis dame de compagnie.
— Chez qui Mme Valgrand était-elle donc entrée en qualité de dame de compagnie ?
— Chez une Anglaise, je crois, mais son nom m’échappe...
Fandor n’insista point. Passant à un autre ordre d’idées :
— Mme Valgrand voulait, n’est-ce pas, que sa personnalité demeurât ignorée ? Savez-vous comment elle se faisait appeler ?
— Oui... Mme Raymond !...
Fandor sursauta.
— Ah ! je m’en doutais ! s’écria-t-il malgré lui.
— Quoi ? interrogea Bonardin interloqué...
— Rien, fit le journaliste redevenu impénétrable.